Bikingman X Maroc 2024

Bikingman X Maroc 2024

C’est au Maroc que nous nous sommes rendus pour une nouvelle aventure.

Murielle adore le pays et j’avais envie de le découvrir tout en participant à une épreuve d’endurance un peu différente de mes habitudes, celle-ci étant en partie sur chemin “gravel”

Bon le souci c’est que j’avais pas de vélo adapté, j’aurais bien investi dans un nouveau vélo mais vu les prix des engins de nos jours c’était pas très raisonnable. Par contre j’ai un très bon vélotaff qui à l’origine est fait pour rouler dans les chemins et, après un peu de bricolage s’est transformé en bête à gravier.

2 semaines d'entraînement spécifiques pendant les vacances dans le sud de la France et j’ai pu transférer mes acquis VTT au Gravel, je dois dire que c’est assez sympa mais c’est un peu comme le swimrun, t’es jamais bien, sur la route t’as un vélo lourd et pataud, dans les chemins dès qu’il y a de la caillasse tu te fais chahuter sévère. Bref faut aimer l’inconfort (pour ceux qui ne savent pas, en swimrun on cours en combi de natation et on nage en chaussures, top confort hein)

Murielle étant partie en vacances j’ai eu plein de temps pour moi et j’ai un peu abusé en enchaînant les weekend à gros volumes de vélo. Je me suis fait bien plaisir à gravir pleins de cols où je n’avais encore pas mis les roues.

Bon c’est sympa mais niveau perf c’était moyen car j’ai généré énormément de fatigue.

Et faire l’Icon Xtri 2 semaines avant et une rentrée académique un peu compliquée pour mon fils aîné ne m’ont pas mis dans les meilleures conditions.

Donc pas d’objectif de perfs, j’imagine que je dois pouvoir me glisser dans le top20 et finir en moins de 72h voir moins de 60 si je réalise une meilleure gestion du sommeil qu’en Corse.

Le vélo, Murielle, Sam et moi sommes bien arrivés au Maroc, petite journée tranquille pour remonter le vélo et visiter un peu la ville puis c’est le départ.

Départ neutralisé pendant 25km pour sortir de Marrakech avec escorte de la police, on roule à 20 km/h tranquille, ce qui permet de discuter, faire connaissance ou revoir des têtes connues.

J’aurais bien aimé profiter de ce faux plat montant pour prendre un peu d’avance sur les grimpeurs mais non, on se retrouve tous ensemble au pied de la première bosse et la course commence. Bon, y a un bien meilleur niveau qu’en Corse, où les gens sont prêts à griller plus de cartouches mais en tout cas je décide de ne pas suivre le premier groupe qui s’échappe, j’ai de très bonnes sensations, la puissance et le cardio sont là où ils devraient être, mais cela ne permet pas de suivre les costauds en endurance. Ils sont, je pense, une vingtaine à partir devant. Je me dis que j’en reverrai bien certains avant la fin de l’aventure.

Après cette première bosse d’introduction, longue descente sur une route défoncée et je me demande si ça compte dans les 300kms de gravel. On passe à travers la zone qui a été touchée par le séisme l’an dernier et, humainement, c’est catastrophique. Les villages sont rasés, remplacés par des campements type bidonville. J’ai mal au cœur .

On attaque ensuite un truc de malade, au cours duquel on va grimper pendant 40 bornes sur une piste. Heureusement, je trouve un des ces petits magasins pour acheter de l’eau et faire le plein avant l’ascension. Je verrai un concurrent quelques kms plus loin s’arrêter au robinet du village. On m’a fortement déconseillé de prendre l’eau hors bouteille et donc je me ravitaille uniquement en magasin et eau minérale.

L’ascension est terrible, on alterne des sections à 15% et d’autres plus roulantes. Le vélo qui faisait 13.9kg à la pesée en fait en réalité 18 avec l’eau et la nourriture embarquée. Avec mon 42x50 je suis dans le dur, ça tourne à 50 tours/minutes pendant un long moment; ça, j’avais pas prévu et j’espère que ça ne va pas trop laisser de trace. Je contrôle mon ascension au cardio pour ne pas me faire avoir comme sur le Stelvio et je grimpe tranquillement, on passe des villages et les gens nous saluent sympathiquement, un groupe d’enfants me poussera pendant bien 500m dans une portion monstre raide. Quelle gentillesse pour ces gens vivant dans une pauvreté extrême.

Vient ensuite une descente rapide qui mène au cp1, j’y suis juste après la tombée de la nuit avec 30min de retard sur le premier groupe en 19e position. Le premier, lui, est encore plus à l’avant, c’est clair je ne jouerai pas à l’avant ici.

Je mange rapidement un poulet frite et repart pour l’aventure, je me projette sur le parcours (qu’on a très peu étudié car révélé la veille du départ) et réalise qu’une autre ascension immense m’attend, que la nuit ici dure 12h et que je ne trouverai rien pour me ravitailler pendant ce temps. J’ai 3l d’eau sur moi mais ça ne suffira pas, je décide de m’arrêter une dernière fois et achète 2 autres bouteilles que j’attache à l’arrache sur le vélo. Me voilà rassuré, je pourrai passer la nuit.

La navigation de nuit est un peu compliquée, le gps m’affiche à 5m sur la gauche de la route et on se retrouve sur des tout petits chemins qui s’embranchent les uns aux autres. Par 2 fois je devrais faire demi-tour pour me repositionner correctement.

Puis j’arrive à un guet où une voiture de l’organisation m’attend. On m’apprend que le pont à disparu et qu’il faut traverser à pied ou faire un détour de 2km.

Allez hop, j’enlève chaussures et chaussettes et je porte le vélo de l’autre côté. L’eau est fraîche, c’est agréable. Je nettoie bien mes pieds avant de repartir, rien de pire sur un ultra que de s'abîmer les pieds.

Je repars sur ce petit chemin gravel puis j’attaque la seconde très longue ascension de la course: 45km. Je ne me souviens plus si c’est route ou piste, mais ce n’était pas très difficile, juste long. Dans ces moments-là le temps n’a plus d’importance, je suis seul sur mon vélo, dans la nuit, j’éteins ma lampe avant et ne m’éclaire qu’avec une veilleuse pour être vu. Et seul avec mes pensées je grimpe cette montagne.

J’atteins le sommet à 2h du matin et maintenant c’est parti pour une longue descente sur piste. Pas très difficile en soit, mais les glissements de terrains ont amené par endroit de gros amas de boue et il faut bien choisir sa ligne. C’est là que je suis bien content de mon choix de pneus.

Autant la veille, quand j’ai vu tout le monde s’envoler sur les cols bitumés, je regrettais mes gros boudins, autant là sur cette descente, de nuit, je me régale.

J’apprends alors que la partie gravel qui mène au cp2 est annulée, ravagée par les intempéries, c’est par la route qu’on y arrive, et effectivement on voit partout les dégâts des inondations. Tous les Oueds (cours d’eau) ont dépassé les ponts, il y a des palmiers déracinés un peu partout, les oasis sont ensevelies sous la boue.

Pourtant, tout autour les montagnes sont magnifiques et les gens, souriants, me saluent au passage.

Un participant (Mathieu) me rattrape, il roule fort et j’essaye de rester avec lui, nous arrivons ensemble au cp2. 

9 et 10e, je ne me souviens pas avoir doublé de monde, mais les arrêts des uns et des autres font que j’arrive ici dans le top10, c’est motivant, mais je sais que la course ne fait que commencer. C’est dans la 2e nuit que tout se joue.

Le cp2 a lui aussi subi les intempéries.  Le pont d’accès au village est détruit et il n’y a plus d’eau courante. Il n’y aura donc pas de douche. J’avais imaginé arriver là vers midi et il est 9h, je viens de passer la nuit et n’ai donc plus sommeil du tout.

Je repars donc rapidement. Encore une fois c’est les grosses interrogations sur ce qu’il faut emmener. Il commence à faire très chaud et le vent se lève.

Au fil des kilomètres, mes lèvres se dessèchent, je bois aussi souvent que je le peux, mais j’ai l’impression d’avoir tout le temps la gourde en main.

Je me ravitaille à nouveau 2h plus tard. 2l de bu. Je repars avec une bouteille en plus de mes 2 gourdes sur le vélo.

J’ai bien fait, il n’y aura plus rien pendant 80km.

Il y a d’abord un terrible vent de face, très chaud, l’impression d’être face à un sèche-cheveux géant. Puis, je tourne à droite, je l’ai maintenant de dos, mais chaque ascension me donne l’impression d’être dans un four. S'ensuit une très longue descente en ligne droite de 50km vent dans le dos. Un concurrent me dépasse et file, je ne pédale pas, je me laisse descendre et perd énormément de terrain. Le mental dans les chaussettes et une terrible envie de dormir s'emparent de moi. Mais impossible de me poser, c’est le désert, pas une ombre, pas un arbre. Juste cette ligne droite en descente qui n’en finit pas.

Enfin une ville, Adgz. J’ai terriblement mal aux lèvres, desséchées par ce vent chaud. En arrivant je vois des panneaux chambre d'hôtes, ma décision est prise, je vais m’arrêter là me refaire une santé. 

En arrivant au premier rond point, un motard de l’organisation m'arrête et m’indique qu’il ne faut pas s’engager sur l’itinéraire original. Les 8 premiers y sont et se retrouvent à pousser leurs vélos dans des passages ensevelis sous la boue.

La course est en suspens pour trouver un itinéraire de replis. Je reste 1h au restaurant et la situation ne se décantant pas, je décide de prendre l’option nuit dans un vrai lit. Murielle m’aide à trouver un Riad, et j’y passe la nuit avec Fred, un autre participant. 

Mais sous la douche, ce qui était jusque-là une gêne mineure au niveau des testicules, s'avère en fait être une terrible irritation de la peau. L’eau de la douche mêlée à la sueur me brûle terriblement. A ce moment la, je n’imagine même pas remettre un cuissard et remonter sur mon vélo. Je passe donc le repas avec une serviette en guise de kilt, et décide de me coucher, et cette fois de façon consciente sans réveil.

A ce moment là pour moi la course est finie, demain je trouverai un moyen de rentrer, par un chemin direct ou en trouvant un transport pour Marrakech.

Mais avec les conseils de Murielle et l’expérience, je me laisse aussi la chance de repartir sur la course. Si je me réveille tôt, si l’irritation est passée, si la crème me protège suffisamment, peut être que je pourrais finir, et mon expérience Corse m’a montré qu’une bonne nuit de repos pouvait tout changer sur ces ultras.

C’est serein que je m’endors, et c’est l’appel à la prière de 5h qui me réveille. Bon, l'option dodo rapide et retour en course pour jouer le top10 a déjà disparu. Je me beurre les roustons et enfile mon cuissard, pas de douleurs. Dans la cour du Riad, Fred se prépare à partir, lui aussi a beaucoup dormi.

Je lui dit que je suis prêt aussi et que je vais tenter de repartir en course avec lui.

Et nous voilà partis en cette fin de nuit, à la fraîche, réhydratés et reposés, prêts à affronter les 400 km restants de ce parcours.

C’est par la route à nouveau que nous relions le cp3, encore une longue ligne droite, nous passons Ouarzazate et arrivons à 11h au cp3, n’ayant pas pris de petit déjeuner et m’étant uniquement nourri de pain et de gel énergétique, c’est avec plaisir que nous mangeonsune assiette de riz, poulet et oeuf puis repartons 1h plus tard. Nous sommes 19 et 20e, et 2 concurrents repartent du cp pendant que nous mangeons.

Nous apprenons qu’il y a plusieurs abandons en tête, je me dis qu’il y a moyen de rentrer dans le top15.

Le nouveau parcours jusqu’à la ligne d’arrivée évite la majorité des secteurs gravel. Les seules difficultés sont 2 cols de 10km.

Il faut donc repartir à midi, par là où nous sommes venus: une longue ligne droite en faux plat descendant mais vent de face ce coup-ci. Heureusement il fait moins chaud que la veille. On reprend un des 2 gars, il est fatigué et lutte avec peine contre le vent.

On reprend le suivant après Ouarzazate pendant un arrêt. J’ai retrouvé une bonne motivation et mes jambes répondent bien. C’est fou cette capacité à repartir après une bonne nuit de sommeil, malgré une grosse journée la veille.

Fred roule bien sur le plat mais des douleurs aux fessiers l'empêchent de pousser dans les bosses. On fait un bon bout de route ensemble mais à l’approche du premier col il me laisse partir seul.

Je suis un peu déçu de ne pas finir avec lui, mais c’est une course solitaire et chacun va à son rythme.

J’avais regardé les prévisions météo et savait qu’un vent fort nous attendait pour cette ascension, les températures prévues étaient assez élevées aussi, mais au final seul le vent est là.

C’est difficile mais j’ai l’énergie pour lutter.

Il fait d’ailleurs de plus en plus frais et je dois même m’habiller pour grimper.

J’arrive au sommet à la tombée de la nuit, il ne me reste plus que quelques petites difficultés à gravir et le reste du parcours est en faux plat descendant.

Je sais que je vais aller au bout, et je prends énormément de plaisir dans ces derniers kilomètres.

Le dernier col est une vacherie, 9km avec énormément de passage au-dessus de 10%, mais j’aperçois des lumières au-dessus et espère pouvoir rattraper des concurrents. La puissance est bonne pour une fin de course aussi longue.

Finalement ce ne sont que des jeunes en mobylette qui zonent sur la route.

Dans la descente je rate un embranchement et fait 5km de hors-course avant de m’en apercevoir. Heureusement je trouve un chemin qui me ramène sur la trace et le dernier tronçon de gravel. 30min de perdu tout de même.

Voilà la dernière partie, 35km de faux plat descendant que j’avalerai en 1h. Au loin, j'aperçois des lumières et me motive à aller les chercher. 1 mobylette, puis 1 autre, les gars sont surpris de se faire doubler par un vélo et, enfin, un vélo concurrent. Je le salue au passage et pousse tout ce que je peux pousser sans exploser. Il essaye de prendre la roue mais en vain. Je continue mon effort jusqu’à ce que sa lampe disparaisse, puis maintient un gros rythme jusqu’à la ligne d’arrivée.

Il est 2h du matin quand je passe la ligne, arrivée très calme car seul 2 bénévoles sont là pour m’accueillir, avec joie et bonne humeur pour une heure si tardive, ils sont très chaleureux.

Après quelques plaisanteries, on célèbre l’arrivée du 15e et je rentre me coucher.

Et oui je fini 14e de la course, malgré un arrêt de 13h et 20h de pause au total, c’est pour dire la difficulté de l’épreuve, alors qu’elle a été bien simplifiée en évitant les secteurs gravels.